ESPACES VIVANTS — Résidence #3

Catégories résidence

DU 2 AU 6 MAI 2022

Salle de Danse | Collège Condorcet – Nîmes

+++ BILAN COMPLET DE LA RÉSIDENCE


 

TROISIÈME ZONE DE CRÉATION CONTINUE ET PERMANENTE
Le jeudi 05 mai, j’ai accompagné trois personnes autistes, Amine, Anthony et David, qui participaient toute la semaine à une résidence « d’Artistes-Autistes ». J’arrive le troisième jour, les personnes sont très à l’aise et me font découvrir le lieu. C’est un gymnase de Collège apparemment déserté. Sont présents : des artistes, comédiens, musiciens, chanteurs, danseurs… Et quelques éducateurs accompagnant des personnes de différents lieux.
Il y a des claviers, guitares, batterie et petits instruments de percusæsion. Des bâches sont suspendues au mur ou étalées sur le sol, pour être peintes ou illustrées ? Des cartons, des stylos, feutres, crayons, peintures, vêtements, perruques, table à masser, tapis de sol, et tout un bric-à-brac sont là, disponibles.
Je m’assois dans un coin et regarde.

Je repère plusieurs personnes souffrantes de TSA, pour d’autres, j’ai des doutes : éducateurs, artistes ?
À l’exception d’une personne qui s’isole et tripote ses doigts, tout le monde semble prendre son temps et s’approcher des objets qui l’attirent. D’après ce que je comprends, je n’ai pas à donner de directives, juste à inciter ceux que j’accompagne à se saisir de l’environnement, de l’espace et/ou des objets. Je dois aussi veiller à modérer les ardeurs des personnes lorsqu’elles s’expriment afin qu’elles n’envahissent pas trop l’espace et ne perturbent pas les autres.
La première chose qui m’étonne, c’est l’harmonie qui se met rapidement en place, au bout d’un quart d’heure, musiciens, chanteurs, danseurs et tous les autres bougent sur le même rythme. Et puis les signes de troubles, de mal-être, de dépression que je connais chez ceux que j’accompagne semblent avoir disparu. À l’exception d’une personne d’une autre association, je ne vois pas de rituel, de comportement « bizarre ».

Ici, on ne parle pas d’inclusion sociale, d’autonomie dans les actes de la vie quotidienne, d’apprentissage, de projet. Personne ne domine personne, personne ne s’approprie personne ou quoi que ce soit, comme le lieu et les outils, nous sommes juste disponibles, dans une forme de don réciproque, dans une absence complète de jugement qui nous rassure et nous aide à oser exprimer ce qui est en nous.
Et c’est ce qui se passe.

David n’est plus en colère, il passe beaucoup de temps sur les claviers, les instruments de musique. Anthony ne s’isole pas, il s’allonge sur la table à masser, profite d’un massage puis, plus tard dans l’après-midi, se vêt d’une combinaison en plastique et se laisse dessiner, peindre : un autiste qui se laisse toucher par un inconnu ?
Amine lui, aime chanter, il connaît plein de textes ! Je l’ignorais. Parfois, je dois calmer son enthousiasme à la batterie, il accepte mon intervention sans manifester d’irritation.
La personne que je ne connais pas continue à parler dans son coin et à tripoter ses doigts même si je reste un moment à côté d’elle, en dansant, dessinant, essayant de manifester ma disponibilité, à être, comme on me l’a appris : dans le « laisser prendre » plutôt que dans « le donner », rien ne se passe. Et puis quelqu’un arrive avec des ballons baudruches et spontanément, cette personne qui restait isolée, s’approche et se saisit d’un ballon.

Que s’est-il passé ? Je n’en sais rien, mais à ce moment-là elle est allée vers l’autre pour se saisir d’un objet sans forme et lui en donner une en soufflant dedans. Donner forme, donner vie (peut-être…) avec son propre souffle ! Je suis épaté.
C’est une expérience très éloignée de toutes les directives et politiques qui guident mon travail, un moment et un espace de liberté qui laissent exprimer d’autres émotions que la peur et la colère.
Je n’attends rien des autres ni de moi-même, quel soulagement, quel plaisir de laisser sortir ce qui vit en nous.

Ce n’est ni efficace, ni rentable.
Comment évaluer le travail qui se fait ici ? En vertu de quels critères ?
Le bien-être, le développement de la personne, sont-ils mesurables quand on ignore ce qu’il y a à mesurer ? Comment mesurer la joie de vivre ?
Personnellement, je regrette de n’avoir pas participé à la résidence la semaine entière, pour apprécier le cheminement de chacun et du groupe.

— OLIVIER INFANTE | Cuisinier au Foyer Hubert-Pascal


STRUCTURES IMPLIQUÉES :
Tentative, Lieu de vie et d’accueil médico-social à St Hippolyte du Fort – Gard, L’association Hubert-Pascal et la Maison Kétanou, structures d’accueil de jour à Nîmes – Gard, Service des actions d’accueil et d’intégration sociale des adultes déficients intellectuels.

ÉQUIPE «AURTISTIQUE» :
Léa, Romain,Thomas, (Vincent, David, en alternance), accompagnés par Nora Natchkova Référente sur la semaine pour Tentative et 1 accompagnant en alternance/Jour, Leri en service civique au DEJCS – Service Culture – Maison Départementale de Nîmes, Axel et Noé, accompagnés par Hortense, Yanis, et Tom de La Maison Kétanou – Association Hubert-Pascal, David, Amine et Anthony, accompagnés par Mickaël, Manon, Olivier, et Samira de l’Association Hubert-Pascal, Axelle Carruzzo (Metteure en Scène), Bertrand Wolff (Compositeur et Musicien), Damien Ravnich (Musicien et Batteur), Julia Leredde (Danseuse), Fabrice Ramalingom (Chorégraphe), Yasmine Blum (Performeuse et Plasticienne), Damien Alibert (Comédien), Sébastien Lenthéric (Comédien et Metteur en scène – N.U collectif), Clémence Galtier (Etudiante Licence 3 -Université Paul-Valery Montpellier III), Lilian PAPIER, Joyce Laboureau, Emma Florquin (Étudiants Éducateurs spécialisés à L’IFME de Nîmes – en stage à l’association Hubert Pascal Équipe ASQ).

GRANDS TÉMOINS :
Ernst Betrug (Auteur), Cécile Martin-Beyler (Psychologue Clinicienne), Catherine Vasseur (Comédienne et Metteure en scène – Cie 1057 Roses), Jérôme Hoffmann (Musicien compositeur – Cie Braquage Sonore), Aurore Gaglione (Attachée à l’information et à la médiation auprès des publics spécifiques – Théâtre Le Périscope – Nîmes), Thierry Bazzana (Directeur à Tentative – St Hippolyte du Fort ) et Nora Natchkova (en stage long à Tentative pour diplôme d’art-thérapeute), Corinne Nguyen (Photographe), Damien Oliveres (Réalisateur).