OUVERTURE(S) #2
Pour son accueil et sa bienveillance, merci à Valérie Bouisson et l’équipe du Carré d’Art-Musée d’art contemporain, Nîmes.
Dès 13h | Ouverture de l’exposition – Atrium et Petit Auditorium
À 14h30 | Table ronde – Grand Auditorium
Avec : Jean Cagnard | Auteur, Cécile Martin-Beyler | Psychologue Clinicienne, Clémence Galtier | Etudiante Master 1 Phénoménologie Clinique — Université Paul-Valery Montpellier III, Cyril Neyrat | Permanent coordinateur du Lieu de vie et d’accueil Tentative L.V.A Saint Hyppolite du fort, François Pontarlier | Responsable de la Compagnie La Bulle Bleue E.S.A.T artistique Montpellier, Anthony | Participant à Espaces Vivants et Travailleur aux Ateliers Kennedy E.S.A.T Montpellier, Maud Pascal et Aurore Gaglione | Théâtre Le Périscope, Léri | Participant.e Autonome, Axelle Carruzzo | Directrice Artistique du N.U collectif.
À 15h30 | Live sonore et performance – Petit Auditorium
Avec à la voix : Léa, de Tentative L.V.A à St Hippolyte du Fort, Anthony et Sébastien (corps en jeu) des Ateliers Kennedy E.S.A.T Montpellier, Mathias Beyler (constructeur sonore), Bertrand Wolff (musicien), Aurélie Piau et Axelle Carruzzo (corps en jeu). Merci à eux.elles pour leur fougue et leur audace !
Pour leur engagement sur la Recherche-Projet ESPACES VIVANTS, leur participation à l’évènement et au « tour de table », merci à : L’ Association Hubert Pascal & La Maison Kétanou, Antoine Bez & Judith Chartier, Chuck production — Damien Oliveres, Luc Reder, Jacintho Muiños …
Le Nu Collectif remercie chaleureusement tous.tes ceux.celles qui étaient avec nous ce jour là !
À la Bibliothèque Carré d’Art – Jean Bousquet
Le 6 Décembre 2022
Sur une après-midi, le N.U collectif [Nos Urgences] vous invite à la découverte d’univers singuliers créés entre « Aurtistes » : autistes adultes et artistes.
Les œuvres exposées ont pris vie dans le cadre des résidences menées entre novembre 2021 et décembre 2022 au Théâtre Christian Liger, au Collège Condorcet à Nîmes, à La Bulle Bleue – E.S.A.T artistique et Les Ateliers Kennedy E.S.A.T – PEP 34 et à La Cité des Arts – Conservatoire, à Montpellier.
Les « Ouverture(s) » sont des passerelles entre ces zones de création partagées – moments suspendus et intimistes – et l’extérieur.
Ancrées dans une démarche participative, elles sont ouvertes à tou.te.s et proposent de réinterroger notre rapport au monde, à l’autre, en offrant la possibilité d’un espace d’échange et de débat commun entre publics, équipe aurtistique, structures partenaires et invités.
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Réalisation vidéo : Jacintho Muiños
CÉCILE MARTIN BEYLER | Psychologue Clinicienne
« En quoi le geste artistique conduit/amène à faire communauté en pleine reconnaissance de la singularité ? »
L’indication des organisateurs pour cette présentation est de parler depuis l’endroit d’où l’on vient, je précise que le mien c’est la rencontre avec des êtres parlants, des parlêtres dans ce qu’ils ont de plus singulier dans leur rapport à la langue, dans leur rapport à l’Autre et au monde qui les entoure, ma pratique et son effet c’est d’être « tenu(e) en éveil par une énigme »1. Afin d’étayer la question de la relation entre singularité et geste artistique j’ai extrait la formule de Lacan « La Femme n’existe pas »2 qui inscrit la singularité et l’altérité comme concepts fondamentaux de la psychanalyse. Lacan donne à penser qu’un stéréotype comme « La femme » est une catégorisation qui se construit en s’adossant à un référentiel dominant opposé, à savoir le masculin, à une pensée centrée sur un attribut de puissance, ce qu’on peut étendre à « l’ avoir ou pas » , « être puissant ou faible » , « être savant ou ignorant ». Cette catégorisation est l’affirmation de l’incomplétude d’un sujet par rapport à un autre. Dire « La femme » c’est aussi passer par-dessus ce que l’on ne comprend pas, tenter d’effacer ce qui est autre à soi-même.
J’en viens à une question un peu brute, personnelle qui s’est imposée au fil de ma présence en bordure des Espaces Vivants et aussi dans les institutions que j’ai traversées comme danseuse, soignante et psychologue. « L’autiste existe-t-il ? » Pour moi, à l’instar de La Femme, L’Autiste n’existe pas, mais bien une infinité d’êtres et de regards posés sur le monde, une infinité de voir, de sentir, de vivre son corps et dans son corps, une infinité d’intimes. Réduire les uns et les autres à un signifiant catégorique les rend paradoxalement irréductibles. On peut bien créer l’anormalité pour faire jubiler les normaux, les atypiques pour rassurer les neurotypiques, La femme pour rengorger des hommes totalitaires, cela ne dit rien de l’essentiel de l’être que vous êtes, que je suis et que je rencontre quotidiennement dans une logique du pas-tout. Non l’autiste n’est pas tout autiste, la femme n’est pas toute femme, l’homme, s’il y consent, pas tout homme.
Mais quid de l’artiste ?
Michel de M’Uzan3 tente de saisir les phénomènes qui astreigne une personne à faire œuvre de ses dispositions singulières. Il explique que « très vite, l’artiste […] est exposé à bricoler dans l’incurable» . Il parle de l’identital, ce qu’il définit comme « l’être même », bien avant le narcissisme et la constitution du Moi, et pour lui, cet identital serait au cœur des processus engageant toute activité créatrice. Alors l’artiste, en procédant à partir de ce noyau primitif, accède à ses défaillances, expérimente le vacillement des limites de sa personne et s’attache à sa capacité de percevoir. « Il y a donc désordre […]faille non colmatée[…]qui va contraindre le sujet à se représenter pour survivre » affirme encore de M’Uzan4.
Là…l’artiste y est tout entier.
Dans Espaces Vivants, quel est le lieu commun si ce n’est l’unicité de chacun, son grain, sa patte, son identital, cet « incurable » qui est de plein droit le point d’entrée de chacun dans l’ici et maintenant, mais qui ne dit pas-tout de lui. C’est bien dans le pas-tout, qu’une communauté se fonde à partir d’un lieu commun qui serait attracteur de toutes les divergences, de toutes les différences. Par le prisme de la psychanalyse, la proposition initiale peut se retourner comme un gant et se lire :
« En quoi la singularité permettrait de faire communauté en pleine reconnaissance du geste artistique ? ».
L’expression « geste artistique » est à entendre comme une référence à l’engagement de Fernand Deligny qui considérait comme un bien précieux « l’en-deçà des mots » à rapprocher de l’identital. Dans « Le moindre geste », son film de 1965, il s’affranchit de toute intention cinématographique, il n’y a pas un sujet du film, l’objet fini disparait derrière le geste même de sa création, et en cela il laisse advenir des image. Le créateur n’impose pas son « Moi » au spectateur. Il me semble que c’est toute la subtilité du geste artistique et la puissance des Espaces Vivants de ne pas en imposer… du Moi, mais plutôt du JEU et de la joie.
Être « grand témoin » est aussi une expérience singulière, j’aimerais témoigner ici — et l’ensemble des textes des participants en rendent compte — de l’intelligence sensible de ces rencontres artistiques. « L’intelligence est la force, solitaire, d’extraire du chaos de sa propre vie la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin que soi, vers l’autre là-bas, comme nous, égaré dans le noir » cette citation de Christian Bobin, me permet de conclure que dans Espaces Vivants, nous avons à regarder, à entendre, à « faire avec » une communauté qui nous éclaire de tous ses feux.